Les critiques récentes de certains jeux vidéo illustrent un phénomène de plus en plus courant dans l’industrie : l’accent mis sur des considérations idéologiques plutôt que sur les aspects purement techniques ou de gameplay. L’industrie du jeu vidéo, autrefois considérée comme un simple divertissement, et critiquée pour cela, est désormais perçue comme un médium culturel et artistique influent, capable de refléter ou de perpétuer des normes sociales et morales.

Cela a entraîné les joueurs et critiques spécialisés à attendre parfois des jeux qu’ils reflètent certaines valeurs ou normes sociales, telle que la diversité, l’inclusion, ou des positions sur des questions sociétales (LGBTQ+, féminisme, écologie, etc.) À l’inverse, une frange conservatrice de joueurs mène une croisade contre toute politisation qu’elle jugerait progressiste et contraire à ses valeurs. Il s’agit d’un positionnement ferme contre la représentation des sujets de diversité, d’inclusion, et d’une vision prétendue « woke » de la société transposée dans les jeux et poussée par les politiques de « DEI » (diversity, equity, inclusion).

De nombreux jeux récents ont été « victimes » de cette guerre culturelle, dont les batailles se déroulent essentiellement sur Internet, et les plateformes comme X (ex-Twitter), YouTube, ou Reddit qui amplifient ces débats idéologiques. Un véritable effet de chambre d’écho peut s’opérer, les critiques étant amplifiées de manière disproportionnée, éclipsant les discussions sur la qualité du gameplay, la technique ou la narration.

Les éditeurs et développeurs sont de plus en plus conscients de l’importance de la perception publique, et certains d’entre eux cherchent à anticiper les critiques en adoptant des positions politiques explicites. Parfois perçu positivement par certains joueurs, démontrant une industrie plus responsable et en phase avec son époque, une minorité s’oppose cependant fermement à cette vision, arguant que les studios sacrifient la créativité, la liberté artistique ou l’immersion au profit d’un agenda idéologique.

En effet, avec l’omniprésence de ces enjeux, les discussions sur les aspects techniques ou créatifs des jeux peuvent faire l’objet d’une lecture idéologique forte, certains associants forme et contenu du jeu aux conditions de production : bug, gameplay, narration sont entendus comme des défaillances symptomatiques des évolutions morales. Certains titres pourtant innovants, sont jugés sévèrement pour leurs choix idéologiques, tandis que d’autres, plus classiques mais politiquement corrects, reçoivent un traitement plus clément.

Dans l’étude qui suit, nous mettrons en avant cette problématique en lien avec plusieurs titres sortis en 2024, et d’autres à venir, mais qui n’ont pas été épargnés par les polémiques avant leur sortie. Par exemple, la représentation féminine sexualisée dans « Stellar Blade » a provoqué des débats houleux, occultant partiellement l’analyse de ses mécaniques. Dans « Black Myth Wukong », la vision « chinoise » du jeu vidéo a été positivement accueillie par les joueurs conservateurs occidentaux, malgré les controverses entourant la communication du studio. Dans « Dragon Age: The Veilguard », la campagne de boycott du jeu est en réaction à la représentation et mise en avant de minorités sexuelles dans la narration. Dans le titre à paraître « Assassin’s Creed: Shadows », les éléments techniques et narratifs du futur jeu d’Ubisoft ont été occultés par la représentation de Yasuke, un samourai noir en tant que protagoniste, les détracteurs fustigeant une diversité ethnique forcée et anachronique. Nous ouvrirons l’étude sur la cas « Helldiver 2 » qui intègre la politique dans son gameplay et sa stratégie de communication sur les réseaux sociaux, et qui a failli malgré tout faire l’objet d’une forte polémique.